Tout s’accélère. L’innovation soumet les entreprises à un flot continu d’innovations difficiles à absorber et qui les mettent en danger. Les disruptions sont innombrables et soudaines. Qui plus est, les innovations suivent des lois exponentielles qui les rendent invisibles pendant longtemps et qui explosent alors qu’il est déjà trop tard pour s’adapter. Et les futurologues prévoient avec précision l’arrivée de telle ou telle prouesse comme celle de l’intelligence artificielle générale capable de rivaliser avec l’intelligence humaine et, soudainement de la dépasser. Nous allons aussi prochainement nous déplacer dans les villes en drones hélicoptères autonomes. Et la génomique va rapidement allonger notre durée de vie si ce n’est nous rendre immortels.
Voilà le moto depuis des années qui caractérise l’ambiance autour du numérique et des nouvelles technologies en général. Il adopte un déterminisme forcené de l’innovation. Il se retrouve dans de nombreux ouvrages, notamment ceux qui portent sur la singularité, qui cependant n’ont pas bénéficié de mises à jour depuis quelques années. Le business des porteurs de futurs n’a jamais été en si bonne forme. Ils agitent le drapeau d’un déterminisme forcené.
Je voudrais prendre un peu de recul par rapport à ces thèses et illustrer le fait, qu’au contraire, dans la majorité des cas, les grands cycles de l’innovation sont longs et non déterministes et le demeurent, en tout cas pour les grandes innovations dites de rupture. C’est lié à la variété des incertitudes et lenteurs qui, selon les cas, sont d’origine scientifique, technologique, économique, sociétale et/ou politique. Par contre, certains facteurs, surtout liés aux applications numériques, contribuent à l’accélération de la création et de la diffusion d’innovations.
L’innovation fait face à des forces antagonistes qui évoluent avec le temps et que je vais essayer de mettre en regard. Le monde des innovations incrémentales est par contre un fleuve plus tranquille et lissé dans le temps, avec moins d’accrocs.
Ces cycles longs et des décisions stratégiques prises longtemps à l’avance expliquent aussi la position dominante de certains pays dans de nombreux domaines, au-delà de la taille de leur marché intérieur. Nous verrons cela à la fin.